- Somme directe
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En mathématiques, et plus précisément en algèbre, le terme de somme directe désigne des ensembles munis de certaines structures, souvent construits à partir du produit cartésien d'autres ensembles du même type.
Sommaire
Somme directe de sous-espaces vectoriels
Somme directe de deux sous-espaces vectoriels
Soient F1 et F2 deux sous-espaces vectoriels de l’espace vectoriel E. On dit que F1 et F2 sont en somme directe si et seulement si pour tout élément u de F1 + F2, il existe un unique couple
de
tel que u = u1 + u2.
On dit aussi dans ce cas que la somme F1 + F2 est directe.
En d'autres termes, la somme de deux sous-espaces vectoriels F1 et F2 est directe si la décomposition de tout élément de F1 + F2 en somme d'un élément de F1 et d'un élément de F2 est unique.
La somme sera alors notée :
.
On dispose des caractérisations usuelles suivantes :
- F1 et F2 sont en somme directe si et seulement si, pour tout u1 de F1 et u2 de F2,
- F1 et F2 sont en somme directe si et seulement si
- F1 et F2 sont en somme directe si et seulement s'il existe une base de F1 et une base de F2 qui, mises bout à bout, forment une famille libre.
Cas de la dimension finie : lorsque F1 et F2 sont de dimensions finies, la somme F1 + F2 est directe si et seulement si dim F1 + dim F2 = dim(F1 + F2).
Sous-espaces supplémentaires : deux sous-espaces F1 et F2 de E sont dits supplémentaires lorsque
. Cela signifie que pour tout élément u de E, il existe un unique couple
de
tel que
.
Article détaillé : Sous-espace supplémentaire.Somme directe de plusieurs sous-espaces vectoriels
On peut généraliser la notion de somme directe à une famille finie de sous-espaces vectoriels de E.
On dit qu'une famille
de sous-espaces vectoriels de E est en somme directe si et seulement si, pour tout élément u de la somme
, il existe un k-uplet unique
de
tel que
.
On dit aussi dans ce cas que la somme F des sous-espaces
est directe.
En d'autres termes, la somme est directe si la décomposition de tout élément de
en somme d'éléments des
est unique.
Pour désigner une somme directe, on se sert des notations
ou
.
Comme dans le cas de 2 sous-espaces vectoriels, on peut caractériser les sommes directes par l'unicité de la décomposition du vecteur nul :- La somme
est directe si et seulement si :
- l'unique k-uplet
de
tel que
est celui dont tous les éléments sont nuls.
Remarque : dès que la famille comprend au moins 3 sous-espaces, il ne suffit pas pour que la somme soit directe que leurs intersections deux à deux soient réduites à, c'est-à-dire que :
pour tout i et pour tout j, i différent de j.
On s’en convaincra en regardant dans
les sous-espaces vectoriels :
.
Leurs intersections deux à deux sont réduites à {(0 ; 0)}, mais leur somme
(égale à
) n'est pas directe.
En effet, les 3 vecteurs
appartiennent respectivement à
; ils sont non nuls, et tels que
: la décomposition du vecteur nul n'est pas unique.
En revanche, on montre que les sous-espaces de la famille des
sont en somme directe dans
si et seulement si :
Lorsque les sous-espaces vectoriels sont de dimensions finies, on a encore l'équivalence des assertions suivantes :
- Les
sont en somme directe.
.
- En concaténant une base
de
, ... , une base
de
, on constitue une base de la somme.
Exemple : soient E un espace vectoriel sur K de dimension finie, et f un endomorphisme de E ayant exactement p valeurs propres (distinctes) appelées. On désigne par
l'endomorphisme identique de E.
Pour tout entier i tel que 1 ≤ i ≤ p,
est le sous-espace propre de f associé à la valeur propre
.
Les deux propriétés suivantes sont classiques :- La somme
est directe.
si et seulement si f est diagonalisable.
- Lorsque c'est le cas, on constitue une base
de E diagonalisant f en concaténant une base
de
, ... , une base
de
.
Somme directe orthogonale
On désigne ici par E un espace préhilbertien réel ou complexe (espace vectoriel réel ou complexe muni d'un produit scalaire). Soit une famille
de sous-espaces vectoriels de E. S'ils sont deux à deux orthogonaux, leur somme est directe. Elle est alors appelée somme directe orthogonale.
Un exemple très simple est l'espace
constitué des vecteurs orthogonaux à tous les vecteurs d'un sous-espace vectoriel F : il est en somme directe avec F. L'égalité
n'est pas toujours vérifiée lorsque la dimension est infinie. Par contre, elle l'est dès que E est de dimension finie.
Deux espaces qui sont à la fois supplémentaires et orthogonaux sont dits supplémentaires orthogonaux. Un sous-espace vectoriel F de E, même s'il a des supplémentaires, n'en a pas nécessairement un qui lui soit orthogonal. Une condition suffisante est que l'espace F soit complet (ce qui est réalisé en particulier s'il est de dimension finie). Cette question est liée à la possibilité d'effectuer une projection orthogonale.
Lorsque les sous-espaces vectoriels sont de dimensions finies, on a l'équivalence des assertions suivantes :
- Les
sont en somme directe orthogonale.
- En concaténant une base orthogonale
de
, ... , une base orthogonale
de
, on constitue une base orthogonale de la somme.
Somme directe externe et produit cartésien
Lorsque deux sous-espaces F1, F2 d'un espace vectoriel E sont en somme directe, l'application suivante est bijective :
Il existe dans ce cas une unique structure d'espace vectoriel sur le produit cartésien
telle que cette application soit un isomorphisme d'espaces vectoriels ; la loi interne et la loi externe sont définies respectivement par les relations :
et
,
- où u1, v1 sont dans F1, u2, v2 sont dans F2, et α est dans K.
Ceci incite, si E1 et E2 sont deux espaces vectoriels quelconques sur le même corps K, à définir leur somme directe, dite alors externe.
Somme directe externe de deux K-espaces vectoriels
La somme directe externe de deux K-espaces vectoriels E1 et E2 est le produit cartésien
sur lequel on définit
- une addition :
- une multiplication externe par les éléments de K :
(où
)
Muni de ces deux lois de composition, l'ensemble
est un espace vectoriel sur K.
Dès lors,
et
sont deux sous-espaces de
, respectivement isomorphes à E1 et E2 (on a "plongé" E1, E2 dans le produit cartésien) ; la relation
justifie l'appellation de somme directe externe.
Lorsque E1 et E2 sont de dimensions finies, il en est de même de leur somme directe externe, et :- (car
est somme directe des deux sous-espaces
et
, qui ont même dimension que
,
respectivement).
Somme directe externe de plusieurs K-espaces vectoriels
On définit de même la somme directe externe
de k espaces vectoriels
sur le même corps K.
Lorsquesont de dimensions finies, il en est de même de leur somme directe externe, et :
.
Somme directe externe d'une famille infinie de K-espaces vectoriels
Pour un nombre fini d'espace vectoriels la somme directe externe et le produit direct coïncident. Il n'en est pas de même lorsque la famille est infinie.
En effet, soit
une famille (éventuellement infinie) de K-espaces vectoriels. La somme directe externe
est le sous-espace vectoriel du produit direct
constitué des familles à support fini. La propriété universelle ci-dessous est la raison de ce choix.
On peut, avec cette notion, élégamment définir la somme directe d'une famille infinie de sous-espaces : Une famille de sous-espace de E est en somme directe si et seulement si le morphisme somme qui va de la somme directe externe de ces sous-espaces dans E qui à une famille de vecteurs associe leur somme est injectif.
Remarque à propos d'autres structures algébriques
On définit de manière analogue la somme directe externe d'un nombre fini de groupes additifs, ou d'anneaux, ou de A-modules sur le même anneau A.
Par exemple, si A1 et A2 sont deux anneaux, on définit sur
deux lois de composition interne :
- une addition :
- une multiplication :
Muni de ces deux lois de composition, l'ensemble
est un anneau. Même si A1 et A2 sont intègres, leur produit cartésien ne l'est pas : a1, a2 étant deux éléments non nuls de A1, A2 respectivement, on a :
.
Propriété universelle de la somme directe
Soit A un anneau ; soit
une famille de A-modules, N un A-module ; soit
une famille d'applications linéaires.
Alors il existe une unique application
A-linéaire telle que :
,
avec
l'injection canonique.
DémonstrationsPar analyse synthèse :
- Supposons qu'un tel ϕ existe. Soit
; on a :
avec δik symbole de Kronecker ; on a :
et, pour
, ϕ((xn + xm) = ϕ((xn,0) + (0,xm)) = fn(xn) + fm(xm) par A-linéarité, donc
ce qui assure l'unicité de ϕ
- Posons donc
; les fi étant linéaires, ϕ est linéaire.
, on a :
; ainsi nous avons bien
, donc ϕ existe bien.
En théorie des catégories : le paradigme des catégories linéaires
Article détaillé : Somme (catégorie).Le concept de somme directe est le coproduit dans la catégorie des espaces vectoriels ; c'est-à-dire, naïvement, que la somme directe consiste à « rassembler » deux espaces vectoriels en un troisième, en limitant leur « télescopage » au strict minimum, à savoir le vecteur nul (de la même façon que la réunion disjointe d'ensembles consiste à rassembler leurs éléments respectifs dans un nouvel ensemble, en évitant de télescoper des éléments identiques s'ils proviennent d'ensembles distincts).
Or, la particularité de ce coproduit est qu'il est isomorphe au produit, ce qui n'est pas le cas dans toutes les catégories. Par exemple, dans la catégorie des ensembles, non seulement le produit (à savoir le produit cartésien) n'est pas isomorphe avec le coproduit qu'est la réunion disjointe ; mais le produit est distributif sur le coproduit, de même qu'en arithmétique élémentaire le produit est distributif sur la somme.
Observant que les catégories présentent généralement l'un ou l'autre aspect — mutuellement exclusifs — le mathématicien William Lawvere propose d'appeler catégories distributives celles dans lesquelles le produit est distributif sur le coproduit (qui, dans ce contexte, peut légitimement prendre le nom de somme), et catégories linéaires celles dans lesquelles, comme en algèbre linéaire, le produit et le coproduit sont isomorphes[1].
Notes
- William Lawvere, « Categories of Space and of Quantity », 1992, p. 16 sq. ; cf. également Conceptual Mathematics, p. 276 sq..
Voir aussi
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